Notre ami du mois de janvier est Randall Dobayou, directeur exécutif adjoint de l’Agence de protection de l’environnement du Libéria, l’institution en charge de l’environnement dans ce pays. Le Libéria est membre de l’EPI, et Randall a participé à la récente réunion ministérielle de l’EPI à Montréal, en marge de la Conférence des Nations Unies sur la biodiversité, CoP15.
Parlez-nous un peu de votre enfance et comment vous êtes-vous intéressé à la Nature et à sa conservation ?
Mon enfance fut horrible. J’ai grandi dans un bidonville de Monrovia. Je suis né 2 ans après la fin de notre guerre civile, qui a duré 14 ans. Ensuite, j’ai été un réfugié en situation de difficulté en Côte d’Ivoire voisine. En tant que réfugié, je marchais environ 5 km pour aller à l’école sans prendre de petit déjeuner à la maison. Mais au moins à l’école, nous recevions de la nourriture de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés. Malheureusement, ma grand-mère, dont je dépendais pour ma survie, est décédée alors qu’elle était partie me chercher à manger. Que son âme repose en paix.
J’ai eu une enfance très difficile. Mais il y avait toujours l’espoir d’un avenir meilleur. Cet espoir m’a amené au Lycée catholique de la Cathédrale à Monrovia, où j’ai obtenu un diplôme. Plus tard, à l’université, j’ai étudié la sociologie et les sciences politiques. Je suis fier de mon enfance pauvre car elle est le phare inébranlable de mon inspiration et de ma poursuite continue pour une éducation de qualité. Je me suis finalement inscrit à l’Université Clark dans le Massachusetts, aux États-Unis, où j’ai obtenu un Master en sciences de l’environnement, en me concentrant sur les impacts du changement climatique et l’adaptation. J’ai ainsi accru ma capacité à résoudre des problèmes et nourri ma compréhension des problèmes environnementaux auxquels mon pays est confronté.
Quels sont les plus grands défis auxquels vous êtes confrontés dans le cadre de votre travail ?
Imaginez, l’Agence de protection de l’environnement (EPA) n’a été fondée qu’en 2002 en tant que principale institution du gouvernement libérien avec la responsabilité première de gérer l’environnement du pays. Il est chargé de collecter, d’analyser et de préparer les informations scientifiques de référence relatives à la pollution, à la dégradation, à la qualité et aux normes. Il a commencé à réellement fonctionner en 2006. Compte tenu de la période de guerre et de l’absence d’EPA, il y avait un énorme déficit en termes de réglementation environnementale. En outre, l’absence d’un tribunal pour l’environnement au Libéria est un défi majeur pour faire en sorte que les auteurs d’atteintes à l’environnement (c’est-à-dire ceux qui nuisent à la biodiversité) soient traduits en justice.
Comme vous l’avez dit, le Libéria a souffert d’une longue guerre civile. Quelle proportion de sa biodiversité est encore intacte ?
Le Libéria est un pays plébiscité pour sa biodiversité. Nous avons la plus grande partie restante de la forêt de Haute Guinée en Afrique de l’Ouest. En tant que gouvernement, nous accordons la priorité à la conservation et à l’utilisation durable des habitats naturels. Mais notre environnement est menacé par la pollution industrielle, la déforestation, la chasse d’espèces irremplaçables pour la viande de brousse, la pollution des eaux côtières par les eaux usées et le ruissellement, le déversement des ordures ménagères et l’élimination illégale de produits bio-dangereux. Nous pouvons surmonter tout cela si nous donnons à nos populations des moyens de subsistance durables et alternatifs.
Le Libéria possède une importante population d’éléphants de forêt. À quelles menaces sont-ils confrontés ?
Oui, le Libéria possède une importante population d’éléphants. Le conflit homme-éléphant (CHE) est un sujet dominant dans la perception globale des éléphants parmi les populations locales et nécessite une investigation approfondie. De nombreuses communautés signalent des CHE, pour l’essentiel des ravages des cultures par les éléphants.
En général, plus le village ou les fermes sont proches de la forêt, plus l’impact humain sur l’habitat des éléphants est élevé. Nos évaluations des CHE montrent que les communautés affectées n’ont pas beaucoup de connaissances sur les méthodes d’atténuation des conflits, et généralement les individus restent passifs, s’enfuient de leurs fermes ou même abandonnent l’agriculture. C’est un sujet de préoccupation majeur.
Enfin, vous avez participé à la Conférence des Nations Unies sur la biodiversité à Montréal. Êtes-vous parti avec un sentiment d’inspiration ou de découragement ?
J’ai été inspiré que nous nous réunissions pour élaborer des politiques visant à réinitialiser notre relation avec la Nature. Cependant, le Libéria avait de vives préoccupations concernant le texte final du Cadre mondial pour la biodiversité. Par exemple, nous voulions mettre davantage l’accent sur les écosystèmes à forte teneur en carbone, comme la forêt de Haute Guinée. L’objectif 8, par exemple, dit que nous devons « minimiser l’impact du changement climatique... sur la biodiversité ». Mais cela ne définit aucune méthode particulière pour la mesure de cet impact. Nous pensions qu’il aurait fallu être plus précis, et donc plus ambitieux. D’autres pays ont partagé nos appréhensions, mais nous avons fini par faire des compromis pour parvenir à un accord.
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